Problématique
L’aménagement écosystémique préconise l’utilisation d’une variété de traitements sylvicoles analogues aux perturbations naturelles qui affectent un écosystème. En forêt feuillue, le régime de perturbation est dominé par la dynamique des trouées, mais comprend également des perturbations de dimension et de sévérité variables. Pour recréer cette variabilité, les aménagistes disposent de plusieurs traitements sylvicoles (ex. : coupe de jardinage par pied d’arbre, coupe de jardinage par trouées, coupe progressive irrégulière, etc.). L’utilisation d’une telle gamme de traitements risque de complexifier la planification tactique. Le recours à des modèles de simulation spatialement explicite pourrait s’avérer utile dans un tel contexte, mais la quantité de données nécessaires à leur étalonnage a jusqu’à présent freiné leur utilisation.
Objectifs
Dans ce projet, nous visions compléter l’étalonnage de SORTIE-ND, un modèle spatialement explicite, pour les érablières de l’Estrie. Pour ce faire, nous devions améliorer la compréhension de la dynamique d’établissement de la régénération et mettre au point des modèles de croissance et de mortalité pour les principales essences. Par la suite, l’objectif était d’évaluer par modélisation l’impact d’une gamme de traitements sylvicoles appliqués aux érablières afin d’identifier ceux permettant d’optimiser le rendement tout en favorisant l’atteinte des cibles régionales d’aménagement écosystémique.
Résultats obtenus
Un premier article a été soumis portant sur la dynamique des lits de germination suite à des coupes de jardinage, un sujet important pour l’établissement de la régénération. Les résultats démontrent que les principales modifications observées au niveau des lits de germination se situaient dans les sentiers de débardage. Ceux-ci correspondaient à 24%, en moyenne, de la superficie des peuplements jardinés étudiés. Les lits de germination étaient très peu affectés à l’extérieur des sentiers. Les principaux changements observés dans les sentiers étaient une diminution de la litière, une augmentation du sol minéral et de l’humus perturbé, et une diminution du bois mort décomposé. Les changements concernant la litière, le sol minéral et l’humus ne persistaient pas longtemps, soit au maximum trois ans après la coupe.
Toutefois, la diminution de bois mort dans les sentiers était encore perceptible 13 ans après la coupe. Ces résultats ont servi à étalonner le module des lits de germination de SORTIE-ND. Des modèles de croissance ont été mis au point pour les principales essences feuillues de la région, soit l’érable à sucre, le bouleau jaune, le hêtre à grandes feuilles et l’érable rouge. Les modèles testés tenaient compte du diamètre des tiges, de la surface terrière de la placette et du type de végétation potentielle. De plus, nous avons exploré la possibilité d’inclure des variables climatiques de façon à expliquer une plus grande part de la variance. Deux approches ont été testées. La première, plus conventionnelle, consistait à inclure les moyennes climatiques sur 30 ans (précipitations et températures annuelles). Toutefois, la formation des cernes est surtout affectée par les conditions qui prévalent durant l’année de formation du cerne et la précédente. De plus, les conditions qui prévalent lors de certains mois de l’année sont susceptibles d’avoir un plus grand impact que celles qui prévalent à d’autres moments.
La deuxième approche testée pour inclure le climat dans les modèles a donc consisté à développer des fonctions de réponse climatique à partir d’analyses dendrochronologiques permettant d’identifier quels étaient les mois de l’année courante et précédente qui avaient le plus d’influence sur la formation des cernes. Ce sont ces variables qui ont été sélectionnées et incluses dans les modèles de croissance. Une comparaison de modèles à l’aide du critère d’information d’Akaike (AIC) nous a permis de constater que l’inclusion de variables climatiques mensuelles améliorait l’ajustement des modèles chez la majorité des espèces étudiées. Les modèles de croissance obtenus nous permettent donc de tenir compte non seulement de variations dans la surface terrière des peuplements, mais aussi des changements climatiques éventuels.
Finalement, des modèles de mortalité ont été développés. Les variables indépendantes considérées étaient le diamètre de l’arbre sujet, l’accroissement diamétral observé dans l’intervalle précédant, ainsi que la surface terrière et la densité des arbres de la placette. Les variables retenues différaient d’une essence à l’autre, toutefois, dans tous les cas, l’accroissement diamétral était retenu. Les résultats indiquent que la probabilité de mortalité des arbres augmente de façon marquée, et non linéaire, avec une diminution de l’accroissement diamétral. En plus des lits de germination, de la croissance et de la mortalité, nous nous sommes intéressés aux caractéristiques structurales des peuplements. Une revue de la littérature a été effectuée.
Nous y présentons les principales caractéristiques structurales des forêts feuillues anciennes, une revue détaillée des variables et des indices qui peuvent être utilisés pour caractériser la complexité structurale des peuplements, et une discussion des approches sylvicoles qui peuvent être utilisées pour aménager ces peuplements tout en minimisant les impacts sur la structure.
Retombées escomptées
L’approche de modélisation de la croissance qui a été développée et qui permet de prendre en compte l’effet de variations fines (i.e., mensuelles) dans le climat, pourrait constituer une avenue prometteuse pour la modélisation de la croissance des essences forestières dans un contexte de changement climatique.
D’autre part, les simulations qui pourront être obtenues à l’aide de SORTIE-ND étalonné pour les forêts feuillues de l’Estrie permettront 1) d’estimer les rendements suite à divers traitements sylvicoles, et 2) d’établir des courbes d’évolution de différents attributs (composition, structure) pour les érablières. Ces résultats permettront de formuler des recommandations quant aux traitements sylvicoles étant les plus adaptés pour favoriser l’atteinte des cibles régionales d’aménagement écosystémique, tout en optimisant le rendement.
Chercheur principal
Christian Messier, UQAM
Équipe de recherche
- Marilou Beaudet, DRF-MRN
- Daniel Mailly, DRF-MRN
- Dominique Gravel, UQAR
- Guy Lessard, CERFO
Durée
2010-2013
Montant
212 000 $
Partenaires financiers
- Ministère des Ressources naturelles
Appel de propositions
Aménagement et environnement forestiers – IV (1er concours)