Malgré une proportion anormalement élevée de joueurs problématiques parmi la population correctionnelle, les détenus demeurent un groupe négligé, pour ne pas dire oublié dans les études scientifiques.
Pratiquement aucune information n’est disponible sur la pratique des jeux de hasard et d’argent (JHA) dans les établissements de détention du Québec. Il importait donc de clarifier cette situation, à savoir si elle est problématique ou non.
Le développement et la persistance du jeu pathologique peuvent être limités par des contingences contextuelles.
Bien que les JHA soient interdits autant dans les établissements de détention fédéraux que provinciaux, le milieu carcéral constitue un espace hors du temps et des normes de la « vie normale » laissant ainsi la possibilité aux détenus de réinventer des pratiques ludiques. Ceci étant, malgré les interdictions, les prétextes à parier foisonnent et les détenus s’y adonnent fréquemment. Étonnamment toutefois, ces paris sont peu liés à la déviance et certainement pas à la violence. Les détenus parient des boissons gazeuses, des sacs de croustilles, des timbres et du café sur des jeux de cartes et des matchs sportifs, et ce, sans que les gardiens interviennent de façon répressive.
On s’attendait à ce que les joueurs qui étaient dépendants avant la détention connaissent en prison une amplification des conséquences négatives liées à des habitudes abusives. Pourtant, plusieurs d’entre eux avaient cessé de jouer durant leur incarcération, essentiellement en raison de l’absence des jeux étatiques comme les appareils de loterie vidéo, des mises inintéressantes et d’une ambiance inappropriée, montrant ainsi que le contrôle de certains éléments entourant l’offre de jeu peut avoir un impact, même sur les joueurs les plus endurcis. Il apparaît, somme toute, que le développement et la persistance du jeu pathologique peuvent être limités par des contingences contextuelles.
Chercheur principal
Serge Brochu, Université de Montréal
Dépôt du rapport de recherche : juillet 2012