Pour un migrant, l’acquisition de la nationalité du pays d’accueil constitue une décision complexe. Les travaux de Thomas Soehl, chercheur en sociologie à l’Université McGill, révèlent le rôle important du réseau social dans ce processus.

Les recherches à ce sujet présentent souvent cette décision comme un choix individuel, basé sur les bénéfices économiques et les coûts. Cette approche omet l’aspect social de la réflexion, en particulier chez les migrants qui sont arrivés dans leur pays d’accueil lorsqu’ils étaient enfants ou adolescents. Pour y voir plus clair, Thomas Soehl a mené des recherches quantitatives à partir de données américaines sur l’immigration. Il a notamment observé les corrélations entre le moment de la naturalisation de jeunes migrants et celui d’autres membres de leur famille. Des naturalisations très rapprochées laissent imaginer une démarche concertée.

Le chercheur a aussi conduit une cinquantaine d’entrevues auprès d’individus qui ont émigré aux États-Unis, afin de mieux saisir l’influence de leur réseau social. Les résultats montrent que celle-ci correspond à une « contagion complexe ». Une contagion simple se comprend un peu comme lorsqu’on attrape le rhume en entrant en contact avec une personne contaminée. Une contagion complexe nécessite des contacts étroits avec plusieurs personnes.

Ainsi, les migrants ne décident pas d’acquérir la citoyenneté simplement parce qu’ils ont parlé à une connaissance qui l’a fait. Ils sont plus influencés par des gens très près d’eux ou par des personnes dont la situation ressemble beaucoup à la leur. Cette influence sociale joue encore plus lorsque plusieurs personnes portent le même message au sujet de l’acquisition de la citoyenneté.

Les travaux de Thomas Soehl offrent un éclairage différent au sujet d’une décision cruciale qui concerne de plus en plus de gens dans nos sociétés.

Source :

Thomas Soehl, Roger Waldinger & Renee Luthra (2020) Social politics: the importance of the family for naturalisation decisions of the 1.5 generation, Journal of Ethnic and Migration Studies, 46:7, 1240-1260, DOI: 10.1080/1369183X.2018.1534584