De 1757 jusqu’à son indépendance en 1947, l’Inde vit sous la domination britannique. Pendant cette période, l’État colonial de l’Inde britannique modifie son territoire de plusieurs manières, notamment dans la région de l’Himalaya. À la même époque, les écrits d’auteurs britanniques et locaux entraînent aussi une transformation de l’imaginaire associé à ces montagnes et de leur signification sur le plan religieux et politique.
Le philosophe indien Devendranath Tagore présente ces montagnes comme les « terres sacrées du Brahma ».
Sandeep Banerjee, chercheur au Département d’anglais de l’Université McGill, a comparé plusieurs types d’écrits de l’époque : documents officiels du gouvernement de l’Inde britannique, textes littéraires, photographies, articles de journaux, guides touristiques, manuels de géographie…
D’une part, il y trouve plusieurs indications des changements survenus dans la région : les Britanniques y ont créé des petits villages de montagne et des plantations, leurs botanistes y ont collecté nombre de plantes, et au début du 20e siècle, l’endroit est devenu une destination sportive de choix pour la randonnée pédestre, la chasse et l’escalade des sommets.
D’autre part, son étude révèle que pendant ces deux siècles, ce que représente l’Himalaya change, même chez les auteurs originaires de la région. Par exemple, dans son autobiographie écrite vers 1856-1858, le philosophe indien Devendranath Tagore présente ces montagnes comme les « terres sacrées du Brahma ». Cela correspond à la perception de l’Himalaya en tant que lieu sacré et mythique pour les bouddhistes et les hindous, davantage que comme territoire national. Moins de cinquante ans plus tard, Jaladhar Sen et Ramananda Bharati, auteurs de carnets de voyage, parlent de cette région en termes politiques et séculiers, ce qui constitue une nouveauté.
Le chercheur en conclut que l’impérialisme britannique a modifié concrètement le territoire, mais aussi la perception que l’on en a.