Responsable : 
Taillefer, Louis

Établissement : 
Université de Sherbrooke

Année de concours : 
2021-2022

Les matériaux quantiques possèdent des propriétés fondamentalement nouvelles telles que l’absence de résistance électrique, un phénomène appelé supraconductivité. Ce régime est habituellement atteint à basse température où les électrons deviennent fortement intriqués, c’est-à-dire corrélés de façon quantique. Ces corrélations peuvent donner lieu à de nouvelles quasiparticules, qui sont des entités avec des propriétés qui émergent de l’intrication entre plusieurs électrons. Certaines quasiparticules peuvent encoder de l’information de manière non locale, l’immunisant contre les perturbations, ce qui pourrait servir à la conception d’un ordinateur quantique robuste. Les géants de la technologie tels que Microsoft, Google et IBM investissent massivement dans le développement des ordinateurs quantiques, car ceux-ci peuvent révolutionner la capacité de calcul de l’humanité. Notre projet s’inscrit dans ce cadre en ayant pour but l’identification de matériaux quantiques possédant de nouvelles quasiparticules adaptées au développement de la prochaine génération d’ordinateurs quantiques.

Notre équipe d’experts en matériaux quantiques est composée de deux expérimentateurs de l’Université de Sherbrooke et un théoricien de l’Université de Montréal. Notre approche collaborative se concentrera sur deux classes de matériaux de pointe ? les aimants frustrés et les supraconducteurs à température élevée. Ce projet porte principalement sur le rôle de la chiralité : un terme technique qui décrit la « manualité » d’un état quantique. La chiralité des matériaux peut être sondée en étudiant l’effet de la direction du champ magnétique sur le mouvement des quasi-particules. Par exemple, nous mesurerons l’effet Hall thermique, un phénomène où l’écoulement de chaleur est courbé par un champ magnétique perpendiculaire. Nous chercherons également un effet magnétochiral sur la vitesse du son où le son peut être plus rapide selon la direction du champ magnétique.

Dans la première classe de matériaux, nous rechercherons de nouveaux états de la matière appelés liquides de spins quantiques. Exceptionnellement, ceux-ci ne s’ordonnent jamais, car leurs spins microscopiques fluctuent fortement et demeurent dans un état intriqué. Certains liquides de spins peuvent héberger de nouvelles quasiparticules appelées fermions de Majorana, qui pourraient être utilisées pour effectuer du calcul quantique. Nous débuterons notre recherche expérimentale avec l’aimant frustré RuCl3. Comme les Majoranas sont électriquement neutres, nous utiliserons des mesures de transport thermique pour les sonder, ainsi que la vitesse du son pour quantifier leur couplage aux vibrations cristallines. Dans la seconde classe de matériaux, nous allons étudier les supraconducteurs à haute température à base de cuivre. Avant de devenir supraconducteurs, ceux-ci se trouvent dans un état métallique énigmatique, appelé « phase pseudogap », considéré comme l’un des grands mystères de la physique. De récentes découvertes par l’un des membres de l’équipe suggèrent que la phase pseudogap est un nouvel état de la matière, similaire à un liquide de spins, mais pouvant conduire l’électricité. Une fois encore, nous combinerons des mesures de transport thermique et de la vitesse de son pour comprendre la nature chirale de cet état quantique. La modélisation théorique des différentes signatures expérimentales, et donc la complémentarité des compétences au sein de l’équipe, sera un élément clé de la recherche proposée.