Responsable : 
Turgeon, Katrine

Établissement : 
Université du Québec en Outaouais (UQO)

Année de concours : 
2021-2022

L’hydroélectricité est considérée comme une source d’énergie propre et renouvelable qui pourrait « décarboniser » notre économie mondiale en réduisant l’émission de gaz à effets de serre. Cependant, elle ne devrait pas se faire au détriment de la biodiversité, des fonctions écosystémiques et de la sécurité alimentaire de certaines communautés. En effet, suite à la mise en eau des réservoirs, des changements importants dans la configuration et la stabilité du réseau trophique peuvent modifier des fonctions écosystémiques majeures telles que le cycle des éléments nutritifs, la productivité et la biodiversité de l’écosystème, ainsi que la bioaccumulation de contaminants dans les poissons qui sont notamment consommés par les Premières Nations du Québec (ex., mercure). Très peu d’études ont examiné la configuration et la stabilité des réseaux trophiques dans les réservoirs, et comment ils se comparent aux écosystèmes naturels (lacs et rivières). Malgré près de 100 ans d’études sur les réseaux trophiques, nous n’avons toujours pas de consensus sur les mécanismes qui déterminent leur configuration et leur stabilité, ni sur les facteurs expliquant la variation observée entre les écosystèmes. Une exploration récente de données dans quelques réservoirs en région boréale suggère la présence de pyramides trophiques inversées (PTI; i.e., forte biomasse de prédateurs au sommet, et faible biomasse de producteurs primaires à la base) et cet état semble transitoire. L’objectif général de ce projet sera de caractériser la configuration et la stabilité des réseaux trophiques des écosystèmes d’eau douce du Québec, dans le temps et dans l’espace, avec une emphase sur les réservoirs. J’utiliserai la base de données existante d’Hydro-Québec afin de vérifier la prévalence et la stabilité des PTIs au sein des écosystèmes aquatiques, et je complémenterai l’étude par la collecte de nouvelles données en utilisant l’approche des isotopes stables afin de mettre en lumière certains mécanismes qui pourraient contribuer à la formation des PTIs et à la stabilité (ou instabilité) des réseaux trophiques. Ce projet est original car, d’un point de vue conceptuel et fondamental, il sera le premier à valider ou infirmer empiriquement la plausibilité des PTIs et des principaux mécanismes qui gèrent leur prévalence (dans le temps et l’espace) au sein d’écosystèmes aquatiques. De plus, aucune étude n’a encore démontré empiriquement l’effet transitoire des PTIs. La base de données du suivi environnemental d’Hydro-Québec nous donne cette opportunité unique. D’un point de vue plus appliqué, très peu d’études ont testé la théorie des réseaux trophiques, les interactions prédateurs-proies et la dépendance des prédateurs aux différentes voies trophiques (source de carbone) dans des écosystèmes fortement perturbés et régulés. Les réservoirs sont de « jeunes » écosystèmes en transition et c’est précisément ce rapprochement entre la théorie et la pratique qui est nécessaire pour mieux comprendre et prédire la trajectoire de nos écosystèmes face aux perturbations.