Chercheuse : 
Kouri-Towe, Natalie

Établissement : 
Université Concordia

Année de concours : 
2021-2022

La notion d’avertissement de contenu (content warning/trigger warning) dans les salles de classe anglophones suscite actuellement un vif débat au Canada. Le public, ainsi que quantité de chercheurs et d’étudiants, y ont argumenté toutes les postures affirmant ou infirmant la réelle utilité de ces avertissements, qui visent à préparer la salle de classe à du matériel pédagogique potentiellement traumatisant. Passant d’images explicitement violentes à des discussions à propos de violences basées sur le genre (viol, abus), la salle de classe contemporaine est devenue l’espace d’une négociation constante avec les attentes fluctuantes autour de la sécurité des étudiants par rapport au matériel enseigné aux études supérieures. Ces débats sont particulièrement présents dans les études féministes, du genre et de la sexualité. Alors que des recherches sont actuellement menées sur les perceptions, la pratique et les rôles de ces avertissements dans les écoles anglophones du Canada, le risque d’universaliser ce contexte linguistique précis souligne l’important besoin d’initiatives similaires dans les institutions francophones. Malgré que ces débats dépassent les divisions de langue, tel qu’en témoigne le mouvement récent autour des hashtags « #dissonnom » et « #moiaussi », peu de recherches ont été menées à propos des manières d’interagir en classe, avec du matériel pédagogique potentiellement violent ou traumatisant dans des institutions francophones d’études supérieures. La recherche ici proposée vise à combler ce manque via deux paliers de recherche : d’abord, une revue de la littérature en français à propos de matériel pédagogique « difficile », des avertissements de contenu et d’approches pédagogiques axées sur la gestion de divers traumatismes émotionnels en classe; ensuite, un sondage national en français s’adressant aux professeurs et aux étudiants (actuels et anciens) d’institutions francophones d’enseignement supérieur, qui interrogera la pratique et les divers rôles que peuvent jouer les avertissements de contenu.

Cette recherche contribue à la discussion, souvent controversée mais de plus en plus largement diffusée, à propos du rôle de la salle de classe universitaire en tant qu’espace d’apprentissage de matériel « difficile », tel que la violence basée sur le genre, le racisme, le colonialisme, et d’autres formes de discrimination. Les discussions en classe qui portent sur ces thèmes peuvent être difficiles à naviguer pour des personnes expérimentant directement de telles violences; elles courent alors le risque que ces échanges provoquent des émotions qui risquent d’entraver l’apprentissage. Les étudiants sensibilisés à ces thèmes pour la première fois peuvent également expérimenter une forme de détresse émotionnelle alors que leur point de vue est fortement déstabilisé. Compte tenu de la position unique qu’occupent les institutions francophones d’enseignement supérieur au Québec, la recherche menée à propos des avertissements de contenu dans les contextes anglophones ne capture pas avec finesse l’impact de l’histoire spécifique de colonialisme (par exemple la crise d’Oka), de violence basée sur le genre (par exemple la tuerie de Polytechnique) et de racisme (par exemple l’attentat de la grande mosquée de Québec) sur l’enseignement au Québec.