Responsable : 
Chapman, Lauren

Établissement : 
Université McGill

Année de concours : 
2021-2022

Les modèles prédisant les réponses des espèces aux changements environnementaux supposent souvent des tolérances fixes, de sorte que la distribution d’un organisme suit ses conditions environnementales préférées ou optimales actuelles, ce qui entraîne une contraction ou une expansion de son aire de répartition. Toutefois, si les populations d’une espèce sont localement adaptées à différents habitats ? ou peuvent évoluer rapidement ? les changements d’aire de répartition face aux changements environnementaux varieront en conséquence. L’exclusion fréquente des multiples gradients écologiques compromet le succès des modèles prédictifs. Par exemple, les espèces qui ajustent leur aire de répartition en fonction de leurs limites thermiques peuvent rencontrer d’autres facteurs de stress, ce qui pourrait alors nécessiter des changements rapides sous une autre forme de tolérance. Ici, nous explorons comment l’expansion de l’aire de répartition des poissons d’eau douce qui coïncide avec le réchauffement climatique est affectée par, puis à son tour affecte, les réponses à un second gradient environnemental – l’oxygène dissous (OD). Nous exploitons un système bien étudié (30 ans) dans le parc national de Kibale (PNK), en Ouganda, où les espèces de poissons se retrouvent à la fois dans les habitats à faible (marais) et à haute (cours d’eau) concentration d’OD, ou qui sont limitées à l’un des deux habitats. L’empreinte du réchauffement climatique dans le PNK est évidente dans l’appariement des changements de température de l’eau et de l’air au cours des dernières décennies, et les modifications récentes dans les communautés de poissons suggèrent que les changements climatiques en sont la cause. L’expansion récente de deux poissons indigènes («envahisseurs indigènes») dans les sites à faible et à haute concentration d’OD d’un affluent en amont d’un réseau fluvial qui draine le PNK est particulièrement importante. Cet affluent n’accueillait auparavant que deux espèces (résidents en amont), alors que les sites en aval accueillaient au moins 10 espèces. Cela offre une excellente occasion pour étudier les effets de la concentration d’OD et des limites thermiques sur l’expansion des distributions d’espèces. L’OD et la température affectent le métabolisme aérobique des poissons — les demandes d’oxygène d’un poisson augmentent avec la température ambiante, tandis que l’hypoxie aquatique limite l’approvisionnement en oxygène. Ainsi, les limites thermiques des poissons et leur tolérance à l’hypoxie peuvent affecter leur réponse au réchauffement climatique. Nous nous demandons si les espèces de poissons envahissantes et résidentes diffèrent dans leurs limites thermiques et leur tolérance à l’hypoxie et si la plasticité de ces traits facilite la colonisation de nouveaux sites, suivi d’une réponse évolutive plus lente. Nous combinons des études de distribution sur le terrain avec des tests écophysiologiques (hypoxie/tolérance thermique), du phénotypage (traits morpho-physiologiques) et de la génomique (séquençage du génome entier). La recherche proposée promet de nouvelles perspectives quant à la façon dont les multiples gradients écologiques (OD et la température) affectent les patrons d’expansion de l’aire de répartition et de divergence des poissons, tout en s’appliquant aux systèmes aquatiques du Québec et au-delà, où l’hypoxie et les eaux plus chaudes sont de plus en plus fréquentes.