Chercheur : 
Ross, Daniel

Établissement : 
Université du Québec à Montréal (UQAM)

Année de concours : 
2021-2022

En appréhendant la plus grande chaine de grands magasins au Canada comme un acteur d’influence sur la scène municipale, le présent projet propose d’examiner les histoires entrecroisées de la vente au détail et du centre-ville. Icône de la culture canadienne et l’un des plus grands employeurs au pays, la T. Eaton Company (1869-1999) possède à son apogée plus d’une centaine de magasins, d’installations industrielles et de lotissements spéculatifs à travers le pays, dominant ainsi les centres-villes canadiens. Véritable pôle d’attraction pour les autres commerces, ses magasins participent à fonder et à développer plusieurs rues commerciales principales, telles que la rue Yonge à Toronto ou la rue Sainte-Catherine à Montréal ? qui symbolisent le succès des centres-villes. La compagnie Eaton bénéficie également d’un accès privilégié à l’hôtel de ville, où ses représentants exercent des pressions pour l’amélioration des routes, du transport public, ainsi que pour d’autres investissements favorables à la compagnie. Pendant l’après-guerre, une époque marquée à la fois par l’espoir et l’incertitude quant à l’avenir des centres-villes nord-américains, Eaton établit des partenariats avec des municipalités et des promoteurs immobiliers afin de lancer des plans ambitieux de renouveau urbain. Si le Toronto Eaton Centre (1966-1977) en constitue l’exemple le plus connu, d’autres exemples existent, tel que le Pacific Centre à Vancouver (1971) ainsi qu’une tentative de projet infructueuse impliquant l’ancien hôtel de ville d’Hamilton (1950-1960). Ces développements contribuent à positionner Eaton au centre d’un réseau de relations complexes impliquant les autorités municipales, les citoyens et d’autres acteurs urbains, de même qu’ils participent à façonner la politique locale, la santé économique et l’espace urbain des villes canadiennes. Tandis que l’historiographie existante sur les grands magasins se concentre sur la culture de la consommation et les relations de travail, ce projet appréhende la compagnie Eaton en empruntant une perspective novatrice, celle du pouvoir local.

Utilisant une approche interdisciplinaire et mettant à profit plusieurs acquis de l’histoire numérique, notamment la cartographie, ce projet utilisera les Fonds Eaton ainsi que d’autres archives gouvernementales et privées pour examiner les activités de la compagnie Eaton comme propriétaire et promoteur dans six villes à travers le pays, avec une étude de cas détaillée de son influence dans le centre-ville de Toronto. Cette étude se concentrera sur deux périodes clés dans l’histoire de la compagnie : celle de son expansion (1890-1930), pendant laquelle ses activités ont façonné des centres-villes à travers le pays à une époque de croissance urbaine soutenue; et celle de la consolidation et du redéveloppement (1950-1980), définie par les efforts de la compagnie afin de redéfinir sa place dans la ville, notamment par le biais de la vente des propriétés et de sa participation aux processus de renouveau urbain. Ensemble, ces deux périodes constituent près d’un siècle durant lequel Eaton, tout comme d’autres grands magasins partout au monde, était au cœur des transformations urbaines. Cette étude contribuera de manière significative à approfondir les connaissances sur les interactions entre capital, espace urbain, citoyens et pouvoirs publics, qui ont tous façonné le monde urbain du Canada moderne.