Chercheuse : 
Bérard, Cassie

Établissement : 
Université du Québec à Montréal (UQAM)

Année de concours : 
2021-2022

Mon projet, La condition policière, s’intéresse aux exercices d’autorité auxquels la littérature narrative, tout en s’en faisant l’espace critique, donne lieu. Il cherche à étendre à la création littéraire les réflexions socio-philosophiques sur les rapports entre savoir et pouvoir, au moins depuis l’avènement du postmodernisme et notamment les travaux d’Hannah Arendt, de Michel Foucault et de Jean-François Lyotard dans les années 1960-1980 jusqu’au réexamen récent, dans les études littéraires, du rôle politique et éthique de la littérature. Ainsi, mon projet veut éclairer les manières dont, dans les formes littéraires narratives depuis les années 1960 à aujourd’hui, se déploie un «art de n’être pas tellement gouverné» que Foucault associe au geste de «ne pas accepter comme vrai [?] ce qu’une autorité vous dit être vrai, ou du moins [?] ne pas l’accepter parce qu’une autorité vous dit que c’est vrai» (1990:39). Une tension se révèle, à cet égard, au sein même de la narration dans les œuvres littéraires, lorsque celle-ci entre en relation avec des figures ou des systèmes d’autorité. Mon projet, alors, veut prendre acte de cette tension entre savoir, pouvoir et narration pour réfléchir sur une forme d’autorité singulière présente dans la littérature, l’autorité de la police, et voir ce qu’il en est lorsque cette autorité se transforme en pouvoir de domination. Ce n’est pas son modèle héroïque qui m’intéresse, mais ses opérations insidieuses, silencieuses. Ses exercices de pouvoir, ses modes de surveillance. Je veux traquer la police dans le discours et dans l’imaginaire qui la font advenir comme puissance régnante; là où, dans l’ombre des fictions littéraires, elle représente la force et le contrôle. Cette Police est moins un personnage qu’une condition issue d’un imaginaire moral. Il y a une Police qui règne dans les textes, qui implante une hiérarchie du savoir, exerce un pouvoir, dicte ses lois; mais sous forme d’attitude critique. Et c’est cette manifestation critique, cet « effet Police », que je m’engage, en théorie comme en pratique, à concevoir.

Mon projet veut donc : 1) Contribuer à la réflexion sur le rôle et la conduite de la police : interroger les imaginaires de la police tels que nourris par la théorie littéraire; 2) Mettre en valeur des dispositifs qui marquent, dans la littérature narrative et la création littéraire, une résistance, une contestation, ou qui font contrepoids, au pouvoir policier et à ses représentations connexes; 3) Consolider les relations entre les représentations littéraires du pouvoir, le dilemme moral qu’examine la littérature et des phénomènes d’oppression dans la société, découlant d’un rapport formaté à l’autorité, au savoir, à la vérité; 4) Définir et baliser l’«effet Police» en tant que manifestation critique; 5) Produire une œuvre narrative expérimentale à consonance autobiographique et ironique qui se déroule à Donnacona, la ville où je suis née, dont je documente la forte activité criminelle tout en déclinant mon propre rapport conflictuel (originel) avec la police censée nous protéger; 6)Former la relève étudiante en suscitant le développement d’une approche narrative critique en recherche-création et plusieurs collaborations (rédaction d’articles, table ronde, atelier d’écriture, colloque, podcast).