Chercheur : 
Parent-Rocheleau, Xavier

Établissement : 
HEC Montréal

Année de concours : 
2021-2022

Les technologies numériques, et plus particulièrement l’intelligence artificielle, changent considérablement le paysage du monde du travail. Autant la nature des emplois que les méthodes de travail voguent vers une numérisation, si bien que les experts parlent d’une « quatrième révolution industrielle ». Une quantité phénoménale de données sur les travailleurs et sur leur activité est maintenant recueillie par des dispositifs de toutes sortes. Les algorithmes propulsés par l’intelligence artificielle, de plus en plus puissants et précis dans l’analyse, la prédiction et la prise de décision basées sur ces données massives, sont ainsi utilisés de façon exponentielle. Des fonctions traditionnellement assumées par des gestionnaires humains peuvent maintenant être automatisées par des systèmes de gestion algorithmique. Ces systèmes sont mis en place pour effectuer, entre autres, le contrôle et la surveillance du personnel, la planification du temps de travail, l’établissement des objectifs et des cibles de performance des travailleurs, le suivi de leur performance, la gestion de leur rémunération, et même leur congédiement.

Bien que prometteuse en termes d’efficacité, la gestion algorithmique soulève aussi plusieurs enjeux. Les études sur le sujet, encore très peu nombreuses, tendent à indiquer que les travailleurs réagissent plutôt mal à se voir ainsi « gérés » par des machines : baisse de leur motivation au travail, diminution de leur autonomie dans la prise des décisions quotidiennes au travail, plus grande instabilité d’horaire et de revenu. Toutefois, d’autres études sont nécessaires pour comprendre d’une part comment la gestion algorithmique affecte les travailleurs et, d’autre part, quelles sont les solutions à ces impacts vraisemblablement plutôt négatifs. Une meilleure compréhension de ce phénomène est particulièrement nécessaire puisque celui-ci est appelé à se déployer largement et rapidement, notamment en raison de l’explosion du télétravail avec la pandémie du covid-19. Le gain de popularité du télétravail s’accompagne de techniques accrues de surveillance électronique des travailleurs, bon nombre étant propulsées algorithmiquement par l’intelligence artificielle.

Le projet de recherche vise à répondre à ces limites dans les connaissances actuelles en deux grandes études. En se penchant spécifiquement sur certaines catégories de main d’?uvre particulièrement touchées par la gestion algorithmique (camionneurs, travailleurs d’entrepôts, télétravailleurs, agents de service à la clientèle), nous examinerons comment ceux-ci voient les aspects positifs (ex : autonomie, diversité et richesse des tâches) ainsi que les aspects plus négatifs (travail émotionnel, exigences physiques, instabilité) de leur travail impactés par la gestion algorithmique. De plus, la deuxième phase de l’étude se penchera sur l’identification de facteurs que les entreprises peuvent mettre en place pour limiter ces impacts. Par exemple, il est possible de croire que la transparence des systèmes algorithmiques, la justice de leur décision et de leurs procédés, ainsi que la possibilité pour les travailleurs d’exercer un certain contrôle sur les algorithmes puissent faire en sorte que la gestion algorithmique soit implantée dans le respect de l’autonomie des travailleurs, et qu’elle conduise non pas à une détérioration mais à une amélioration de la qualité des emplois.